10 – Face à la montée des dangers, quelles nouvelles exigences pour notre Défense ?

par les Généraux 2s D. VALERY et J.J. CAHUET

Les évolutions constatées et prévisibles de la conjoncture internationale interdisent de rester passif face à la montée des dangers. Notre pays et l’Union constituent des proies convoitées et très vulnérables dans un contexte de mondialisation où la finance et l’économie l’emportent sur le politique et privent progressivement les peuples de la maîtrise de leur destin.

Le simple bon sens impose un réexamen de nos choix actuels. Sans remettre en cause nos excellentes capacités d’opérations extérieures, il paraît indispensable d’engager sans tarder une double action de renforcement de la défense du territoire national d’une part et, d’autre part, de lancement de la construction d’une puissance militaire à l’échelle européenne, puissance de protection crédible et puissance d’influence reconnue sur la scène internationale.

1/ Les exigences de défense territoriale.

Les Armées constituent le Recours ultime de la Nation en cas de troubles graves en vue d’assurer la défense du territoire national dans son intégrité. Cette idée reste très présente dans l’esprit de nos concitoyens. La défense du territoire intervient, d’abord, dans les périodes de tension limitée n’impliquant une déstabilisation de la société ; il s’agit alors de fourniture de moyens aux services publics et notamment aux forces de l’ordre (tels que la participation à Vigipirate). Elle entre en jeu surtout dans les situations exceptionnelles pour lesquelles les services publics ne sont plus en mesure de faire face aux événements (agression militaire, agression terroriste, dysfonctionnement majeur, catastrophe,…) .

Il s’agit alors de la prise en charge par les armées de missions s’inscrivant en prolongement de l’action des forces de l’ordre dans le domaine de la sécurité et s’ouvrant aux différents aspects de l’assistance à la population, allant des missions de présence dans des zones traumatisées à des missions de rétablissement de fonctions de la vie sociale mises à mal par les événements (protection, transport, ravitaillement, santé,…) .

A l’évidence, cette défense exige des effectifs militaires nombreux avec une composante réserves importante, une organisation comportant une part de régionalisation des moyens favorisant la réactivité et enfin un entraînement donnant aux intervenants militaires une bonne connaissance du terrain et de leurs interlocuteurs civils.

Malheureusement, depuis une vingtaine d’années, les armées ont été éloignées de cette vocation de défense du territoire avec une réduction drastique des effectifs de l’armée d’active, une dissolution précipitée des formations de réserves affectées à cette mission et une réorientation quasi exclusive sur les opérations extérieures. Il est d’ailleurs significatif que le dernier Livre blanc ait réduit la défense du territoire au seul renfort des forces de l’ordre, omettant les situations exceptionnelles pouvant aller jusqu’aux états d’exception (état d’urgence, état de siège).

Au moment où les menaces de terrorisme sur notre sol s’accentuent, il semble urgent que les autorités politiques et militaires mesurent les insuffisances actuelles et s’attachent à revitaliser notre défense du territoire.

2/ L’émergence d’une défense européenne.

L’affaiblissement manifeste de la prééminence de l’Occident sur la scène internationale et les interrogations que posent la pertinence de ses choix et les résultats de ses interventions montrent aux Européens qu’ils ne peuvent plus tout attendre d’un recours à l’OTAN et d’un alignement systématique sur les Etats-Unis et qu’ils doivent prendre en charge eux-mêmes leur propre défense.

L’Europe doit devenir une puissance militaire autonome assurant sa propre défense et disposant d’une influence reconnue sur la scène internationale.

Pour y parvenir, il convient de ne plus se réfugier dans les discours d’intention sans lendemain, les successions de réunions et de conférences internationales généralement stériles mais de s’attaquer au cœur du problème qui fait ressortir trois conditions majeures :

– la communauté de défense doit se fonder sur les impératifs de défense collective du territoire et des populations des Etats intéressés et non sur des objectifs d’opérations extérieures sur lesquels il y aura souvent divergence de perceptions,

– engager ces Etats à réaliser un socle de forces significatif avec, pour les forces terrestres, la reconstitution progressive de grandes unités formées et entraînées au combat à haute intensité, à partir desquelles pourront être dégagées les capacités de projection extérieure et de défense du territoire,

– démarrer avec un petit nombre d’Etats convaincus et disposés à faire les efforts nécessaires, comportant pour le moins la France, l’Allemagne et la Pologne.

L’Union européenne a fait le premier pas en offrant aux Etats qui le souhaitent la possibilité de créer une « Coopération structurée permanente » de défense (Traité de Lisbonne de 2007), idée reprise par le Sénat français (rapport du 3 juillet 2013) sous forme d’ « Eurogroupe de défense ».

La balle est désormais dans le camp des Etats concernés et plus particulièrement de la France qui doit prendre le leadership de l’entreprise, car elle apporte l’armement nucléaire et est le pays le plus engagé dans les questions de défense face au terrorisme.

Conclusion :

Ne serait-il pas opportun de repositionner la Défense au rang des premières priorités dans la hiérarchie des préoccupations et des engagements (y compris financiers) de nos responsables politiques ?