L’article, issu des archives du musée maritime de Rouen, et remanié par le CV J. Fermé, retrace l’histoire de ce navire de guerre. Cet ancien destroyer a permis, entre autre, au Général De Gaulle de débarquer sur le sol français, à Courseulles-sur-mer, en juin 1944.
Historique et caractéristiques de La Combattante
1/ La construction du HMS Haldon
A
l’origine, il s’agit d’un destroyer anglais, H.M.S. Haldon. Alors en
construction aux chantiers Fairfields, à Glasgow, il est endommagé par
des bombardements la nuit du 13 au 14 mars 1941.
En décembre 1942, il
est offert par la marine britannique aux Forces Navales Françaises
Libres dirigées par le Général De Gaulle. Il était prévu que trois
navires soient cédés à la France Libre, mais faute de marins français
(en particulier d’officiers) seul ce navire à été donné.
H.M.S. Haldon est rebaptisé « La Combattante ». Son équipage est composé de marins français, et de quelques anglais (chargés de la radio).
2/ Aptitudes et caractéristiques de La Combattante
Les destroyers de la classe Hunt sont des bâtiments particulièrement aptes au combat de nuit.
Ils sont dotés de moyens de détection performants : deux radars de veille, l’un capable de détecter une vedette rapide à 8 000 mètres, et l’autre de suivre un avion jusqu’à 20 milles. Un radar artillerie sert de télémètre aux 4 canons de 102 mm dont la précision permet le tir de nuit sans visibilité. Un asdic type 144 permet de déceler à 6 000 mètres par écoute hydrophonique la présence de vedettes rapides. La Combattante possède ainsi le matériel de détection le plus moderne en 1944.
Pour sa taille, son artillerie est puissante, et tous ses canons peuvent tirer sur les avions. Elle est bien armée pour la chasse aux vedettes rapides qui sont dangereuses pour les grands destroyers.
Comme c’est un très bon bâtiment de combat, de par sa puissance et sa cadence de tir, elle est utilisée pour mener des patrouilles offensives en Manche le long des côtes occupées par les Allemands.
3/ Escortes et missions de sauvetage
Le 23 mars 1943, La Combattante effectue sa première mission qui consiste à escorter un convoi en Manche. Lors d’une de ses missions d’escorte, La Combattante recueille 68 hommes d’équipage du liberty ship Stell Traveller qui a sauté sur une mine. A plusieurs reprises, le torpilleur recueille des aviateurs tombés en mer ; le 29 mai 1943, deux équipages anglais et australiens, la nuit du 6 au 7 septembre 1943, deux aviateurs anglais, et le 25 juin 1944, 2 pilotes américains.
4/ Patrouilles
La Combattante effectue une série de patrouilles défensives (pour protéger le trafic maritime allié) et parfois offensives (à la rencontre de l’ennemi en Manche). Elle s’oppose essentiellement à des vedettes souvent fort dangereuses pour les destroyers.
Le torpilleur se fait remarquer lors de ses patrouilles en Manche et en Mer du Nord où il coule ou endommage plusieurs vedettes allemandes (schnell-boote).
La nuit du 25 au 26 avril 1944, l’équipage de La Combattante obtient son premier succès.
La Combattante et HMS Rowley interceptent au large d’Antifer un groupe de vedettes allemandes qui se rend vers Cherbourg. La Combattante parvient à couler un Schnell-Boot, le S147, puis à en endommager un autre. Elle repêche un survivant surpris d’avoir affaire à … des Français ! Suite à ce succès, un Schnell-Boot est peint sur chaque côté de la cheminée de la Combattante.
La nuit du 12 au 13 mai 1944 La Combattante fait exploser une vedette (S 141) dans laquelle était le fils aîné de l’amiral Dönitz. Après le combat, l’équipage recueille le corps d’un marin allemand (son brassard récupéré par un membre de l’équipage est exposé au Musée Maritime de Rouen).
5/ Une tragique erreur réciproque
Dans la nuit du 27au 28 mai 1944, la Combattante, basée à Portsmouth et recevant des ordres du C.I.C. Portsmouth (Commander in Chief Portsmouth), et le groupe des deux MTB 732 et 739, basé à Newhaven et recevant ses ordres du commandant local de Newhaven, font route l’un vers l’autre, se prenant mutuellement pour l’ennemi. La Combattante croyant avoir affaire à des Schnell-boote, les MTBs croyant avoir affaire à un torpilleur (Torpedo-Boot) allemand, les navires échangent des tirs. La Combattante, plus rapide, coule l’un d’entre eux : le MTB 732, navire anglais. Le torpilleur recueille les quinze survivants dont six sont sérieusement blessés et retourne vite à Portsmouth pour les déposer à l’hôpital.
6/ Le débarquement en Normandie
C’est le seul navire des Forces Navales Françaises Libres à participer aux opérations rapprochées du débarquement en Normandie, le 6 juin 1944. Il participe au bombardement des défenses côtières des plages avant le débarquement des troupes d’infanterie, devant Courseulles-sur-Mer.
La première partie de la nuit du 6 juin, le torpilleur français escorte l’un des convois transportant les unités d’assaut de la 3e DI canadienne: le convoi S 9 composé de dix Landing-Ship de différentes tailles, le plus gros transportait 1 644 hommes et portait 18 chalands d’assaut.
A 6h54, la Combattante commence à tirer sur la plage. Les cibles sont tout d’abord des maisons fortifiées, probablement utilisées comme postes d’observation. Pour éviter de toucher les habitations de la bourgade, la Combattante reste à 3 000 mètres du rivage, avec 4 mètres de profondeur. Les machines sont stoppées, le navire dérive, si bien qu’il s’échoue à 1500 m de la plage. Suite à cet incident, HMS Venus envoie un message humoristique en scot (signaux optiques en morse) à la Combattante : « Je suis heureux que ce soit un Français qui ait le premier foulé le sol de France… ».
La
Combattante détruit, d’une salve de quatre obus de 102, une batterie
allemande très bien dissimulée au milieu des dunes. Puis c’est au tour
de cinq maisons fortifiées et trois blockhaus d’être mis hors service.
A
7h39, la Combattante est prise pour cible par une pièce de 88, bien
cachée dans une simple maison du boulevard de la Mer. Depuis 4 minutes
la Combattante est censée stopper ses tirs, or les barges de
débarquement ne sont qu’à 150 mètres du rivage. Devant l’insistance du
canonnier François Corbasson, le commandant autorise à tirer de
nouvelles salves sur la pièce de 88 qui vise dorénavant les chalands. La
deuxième salve atteint les réserves à munitions qui explosent avec la
pièce de 88 mm.
A 7h49, les premiers soldats mettent le pied sur la plage de Courseulles, plus tard que prévu.
La seconde mission de la journée est de protéger les flancs droits de la Force J.
20h15, le torpilleur lève l’ancre pour rentrer à Portsmouth en escortant un énorme landing-ship dock.
7/ Le Général De Gaulle à bord de La Combattante
Le 14 juin 1944, à Portsmouth, la Combattante embarque des personnalités de la France Libre : le Général de Gaulle accompagné de Béthouart, du général Koenig, de l’Amiral Thierry d’Argenlieu, de Palewski, Vienot, Billote, Coulet, Chevigné, Courcel, Laroque, Boislambert, et Tissot. Est transportée également une cantine contenant 250 millions de francs en billets pour contrer le projet de monnaie éditée par les Américains pour remplacer le franc de Vichy.
Le général De Gaulle décore de la Croix de Guerre avec palme à Courseulles-sur-mer le commandant Patou. Il débarque sur la plage de Courseulles, au milieu d’un régiment canadien. Il part ensuite à Bayeux où il s’adresse à la population de Bayeux tout juste libérée. La nuit tombée, il revient à Courseulles et rembarque sur la Combattante.
8/ Combats près des côtes normandes
La
Combattante poursuit la guerre en multipliant les missions de
patrouilles près des côtes normandes, affronte notamment des navires
allemands devant Antifer et Fécamp, en août 1944, en escortant des
convois de navires marchands dans la Manche.
Dans la nuit du 25 au 26
août 1944, devant Fécamp, la Combattante occasionne de lourdes pertes à
la 8e flottille d’Artillerie Träger qui transporte des munitions et des
troupes de Fécamp au Havre. En tout 4 navires allemands sont coulés :
AF 97, 105, 110, et 111, soit la moitié du convoi.
9/ La fin de La Combattante
Dans la nuit du 23 février 1945, la Combattante finit tragiquement, victime de l’explosion d’une mine de fond (*), en Mer du Nord, au large de Grimsby (côte Est de l’Angleterre, près de l’embouchure de la rivière Humber). Le navire se casse en deux et coule en peu de temps. Une grande partie de l’équipage disparaît lors du naufrage : 117 survivants, 62 tués et deux disparus, une douzaine de blessés.
(*) Certains ouvrages prétendent que le sous-marin de poche allemand : U 5 330 type Seehund était la cause de cette catastrophe, mais l’argument est basé sur des éléments erronés (mauvaise traduction des opérateurs radios allemands des communications alliées, la nuit du drame, le sous-marin n’était pas dans cette région). Donc tout porte à croire que c’est bien une mine de fond qui est la raison de la perte de la Combattante.
10/ Caractéristiques de la Combattante
Longueur : 85, 40 mètres Largeur : 9, 50 mètres Tirant d’eau : 3,60 mètres
Propulsion : Turbines à vapeur 19 000 CV, 2 hélices
Vitesse : 27 noeuds (50 km/h) Rayon d’action : 3 700 milles à 14 noeuds
Equipements de détection :3 radars, 1 ASDIC
Armement :2 tourelles doubles de 102 mm, 1 Pom-Pom quadruple de 40 mm,
1 Pom-Pom simple, 3 doubles affûts de 20 mm, 2 lance-torpilles
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Une
association culturelle rouennaise, le Groupe de Recherche et
d’Identification d’Epaves en Manche Est (GRIEME), a localisé et
identifié la partie arrière de l’épave de la Combattante en mai 2002.
Ses membres, accompagnés d’archéologues spécialisés, ont effectué une
plongée sur le site de l’épave de la Combattante, et en ont retiré des
pièces à caractère militaire, des pièces de la machinerie et des objets
de la vie quotidienne des marins. La partie avant de l’épave, restée
introuvable, a finalement été identifiée en 2005 par le GRIEME embarqué
sur le chasseur de mines Capricorne, en collaboration avec une équipe
anglaise. L’avant de la Combattante gît à un demi mille du lieu de
l’explosion. L’explication avancée est que l’avant du navire, resté en
surface après l’explosion, a dérivé un certain temps sous l’effet du
courant avant de couler.
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