9 – La gestion de la crise ukrainienne

par le Général 2s CAHUET

L’aggravation de la situation internationale depuis une dizaine d’années, au Moyen-Orient, en Afrique et maintenant en Europe, s’est étrangement accompagnée d’une réduction significative de la puissance de la France, de l’Europe, de l’OTAN.

L’Occident, prétentieux donneur de leçons, ne brille pas par son comportement face au drame syrien, dont on n’est pas encore sorti loin s’en faut, ni face à celui qui s’annonce en Ukraine. Plus préoccupé par la mondialisation des puissances financières et économiques que par le sort des peuples, il porte sur l’actualité des jugements discutables et prend des initiatives souvent inadaptées et parfois contreproductives. Dépassé par les événements, il montre les limites du « soft power » qui entend remplacer les rapports de force par les bonnes paroles, la diplomatie et les menaces, aussi symboliques qu’inefficaces.

Notre pays a produit deux Livres Blancs sur la Défense et la Sécurité Nationale, qui, ayant à répondre aux perspectives d’évolution de la conjoncture, ont, à juste titre, privilégié les fonctions « de connaissance et d’anticipation ».

Ces deux documents ont en effet largement focalisé leur attention sur ces fonctions plutôt séduisantes. Ils avaient aussi l’objectif d’adapter la défense française aux menaces à venir, donc « à anticiper », et bien sûr d’engager une réflexion stratégique sur la puissance française, son influence sur les relations internationales. Ont-ils rempli leur rôle ? Ont-ils anticipé la crise ukrainienne ? Si oui, ont-ils envisagé avec pertinence les réponses à y apporter par la France seule, la France au sein de l’OTAN, la France au sein de l’Union européenne ?

Pas vraiment. Le Livre blanc de 2008 cite deux fois l’Ukraine principalement au titre de la coopération avec l’OTAN. Le Livre blanc de 2013 ne cite pas une fois l’Ukraine. Alors, échec du processus de la réflexion « prospective » au sein du ministère de la défense, au sein du ministère des affaires étrangères ? Echec des fonctions « connaissance et anticipation ? Manque d’écoute politique des signaux retransmis par les ambassades ou les services de renseignement ?

Echec total dans tous les cas car comment répondre à une menace si les organismes étatiques ne sont pas capables de les discerner à temps ?

Or, face à la dégradation de la situation, on ne peut plus se contenter d’attendre, d’engager des concertations sans résultat, de lancer des déclarations aussi belles que sans effet. Notre pays ne peut rester inactif et doit, avec le pragmatisme qui s’impose, appliquer cette exigence d’anticipation qu’il ne cesse de prôner.

Cette anticipation consiste à discerner les hypothèses plausibles d’évolution de la situation, à étudier celles qui appelleraient un engagement militaire de notre pays et s’y préparer concrètement par des premières mesures d’organisation, d’équipement et d’entraînement, de façon à ne pas être pris en flagrant délit d’impréparation et d’improvisation s’il nous faut un jour intervenir. Il va sans dire que cette anticipation est d’autant plus nécessaire que nos capacités militaires considérablement réduites ces dernières années, ont été orientées vers des hypothèses d’engagement qui ne seront peut-être pas celles qui nous attendent effectivement.

La Suède, qui n’est pas membre de l’Otan, vient d’annoncer son intention de relever sensiblement son budget militaire. C’est manifestement le chemin de la responsabilité que nous montre ce pays.

– Allons-nous donc rester les bras ballants devant ces perspectives, après celle de la Crimée, d’annexions successives de territoires appartenant à un pays souverain et partenaire dont nous avons garanti la sécurité et l’intégrité ? Et après ?

– Ne serait-il pas urgent de préparer nos forces armées à un conflit de cette nature, d’une autre ampleur que ceux que nous avons vécus depuis la seconde guerre mondiale ?

– Ne faudrait-il pas rapidement ré analyser en profondeur les moyens militaires de l’OTAN, de l’Union Européenne et de chacun de nos pays pour les doter des ressources leur permettant de prévenir ces situations à l’avenir ?