Le capitaine BIGEARD en pays Thaï 1946-1947

En cette fin d’année 1946, le capitaine BIGEARD commandait le 3° Cie du Bataillon autonome de DIEN BIEN PHU (devenu plus tard 1° Bat THAÏ).

La 3D Cie avait pour mission de contrôler une vaste zone au nord Est de SON LA : elle y a relevé une compagnie de la colonne Alessandri venant de Chine et commandée par le Capitaine CAZEAU futur commandant du 3° BCCP.

Le terrain constitue un vaste ensemble de montagnes calcaires, couvertes de jungle. La population de THAÏS NOIRS vit très clairsemée dans des villages (BAN) et cultive du riz de montagne pour ses besoins . Peu de pistes où les parcours sont très difficiles et où foisonnent les araignées, sangsues, serpents… Dans l’ensemble, les THAÏS nous sont très favorables.

Le PC de la compagnie est à BAN KHIENG, aux cases de bambou (forme tortue) dominé par plusieurs pitons où s’installent nos postes avancés.

Au PC, le Capitaine BIGEARD

Ltn LOGIER, adjoint (futur Commandant de la 9″ DIMa).

Asp DUTEIL, off Rens et Chiffre

Médecin Ltn VARACHE

Adj TAM Stn Cdt

Sergent Radio (des télégraphiste coloniaux)

Les sections tiennent les postes éloignés ,

BAN BO : Slt GUILLLEMINOT (tué en Algérie au 2° RPIMa

BAN LOT : Slt FRAN9OIS (tué devant SONLA en janvier 1947)

BAN SAV A : Asp BREAUX (tué région VAN YEN en février 1948 )

La compagnie est constituée de cadres et Hommes de Troupe Européens, volontaires des 9″ et 10 ° DIC , de tirailleurs tonkinois et de gardes Indochinois (venant de la colonne Alessandri), de jeunes tirailleurs Thaïs récemment recrutés à DIEN BIEN PHU et LAICHAU. Une trentaine de partisans locaux complète l’effectif d’environ 200 personnels.

L’armement hérité des anciens d’Indochine est assez disparate et a beaucoup été utilisé contre les Japonais, les Chinois, les rebelles annamites (on ne parle pas encore de Vietnamiens). La compagnie a donc en dotation un armement Français, Anglais, Chinois, US, et Japonais avec des munitions souvent déficientes.

Le ravitaillement est difficile, voire impossible. Il faut vivre sur le pays, riz, buffle, poulet ou porc local. En sortie opérationnelle, boule de riz gluant et viande de buffle boucanée . Tout cela constitue un excellent régime diététique et tout le personnel a la ligne. Les liaisons sont donc très difficiles, et il faut compter plusieurs jours de brancardage pour les blessés acheminés vers THUAN GlAU et DIEN BIEN PHU.

L’habillement est réduit au strict nécessaire, treillis, short et chemisette, chapeau de brousse, les tirailleurs portent un casque colonial (anglais ) {?} A titre anecdotique, la première casquette Bigeard a fait son apparition pendant cette période : elle était portée par le Slt GUILLEMINOT en souvenir de son maquis de 1944.

L’ennemi tenait SON LA et ses environs : de la valeur d’un Bataillon, commandé par des cadres annamites, avec des réguliers VM aguerris et des partisans THAÏS et MUONG. L’armement était semblable au nôtre et avait la même provenance. Les VM utilisaient souvent des pièges en bambou, les arcs avec flèches empoisonnées, lances. Par chance, pas de mines.

En somme, la 3* Cie a combattu à armes égales contre un adversaire coriace et aguerri, bénéficiant de liaisons faciles avec ses arrières par la route HANOÏ- DIEN BIEN PHU (RP41).

Sous l’impulsion de son Capitaine, la compagnie est très opérationnelle, et son activité permanente. D’abord, les postes doivent être installés, les défenses (en bambou) organisées, les blockhaus construits. Les sections rayonnent autour des postes, et ce sont des patrouilles, embuscades, coups de main et reconnaissances lointaines vers SON LA ou la RIVIERE NOIRE. Le Capitaine BIGEARD a fait créer un stade et les jours de repos des tournois sont organisés, volley-ball, basket, boxe, judo avec bain dans la rivière locale.

Le moral de tous est au plus haut avec un BIGEARD ardent, dynamique, infatiguable, toujours près de ses hommes. Il participe activement aux opérations et effectue des liaisons plusieurs fois par semaine pour inspecter les postes. Ce sont donc des marches de 10 à 20 km par des pistes de brousse souvent piégées par des petits piquets de bambou ou grenades.

La 3″ compagnie est maintenant à BAN KHIENG depuis 4 mois ; elle tient bien son « sous quartier ». Le 20 décembre 1946, un ordre d’opération transmis par message chiffré prévoit la prise de SON LA pour le 1″ janvier 1947. Aussitôt, BIGEARD prend ses dispositions, et le 25 décembre ordonne au Slt GUILLEMINOT de tracer une piste dans la jungle pour éviter les avants postes viets. Après 2 jours de « crapahut » GUILLEMINOT rentre de sa mission et signale qu’il n’y a aucun point d’eau sur le parcours très difficile, mais hors de portée des VM.

Le 27 décembre, la compagnie fait mouvement vers son objectif SON LA. Après 16 heures de marche dans la jungle, sans eau, elle débouche sur la route SON LA – RIVIERE NOIRE, le 29 à 8 heures. Elle progresse vers SON LA qu’elle atteint et occupe vers 11 heures après quelques accrochages avec les VM. La ville est totalement détruite. La compagnie ne s’y attarde pas et le 3 janvier effectue une reconnaissance vers la RIVIERE NOIRE, à TA BU, en bousculant un élément rebelle à MUONG BU. La liaison est effectuée à TA BU avec le groupement des partisans de la RIVIERE NOIRE , sous les ordres de l’inspecteur de la garde indochinoise, Mr PÉRÉ. La compagnie rejoint SON LA où elle peut prendre quelques jours de repos . Le capitaine BIGEARD réorganise alors la compagnie : il la divise en 6 sections de 2 groupes plus manœuvrables en Haute Région :

1° Stn (Slt GUILEMINOT), 2° Stn {Asp DUTEIL) 3° Stn (Asp BREAUD), 4° stn (Sit FRANÇOIS), 5) Stn (Adj BRUILLOT), 6° Stn S/C DIEU), groupe mortier de 81 Cal/ Chef GUTHLIN, Adj de Cie : Adj TAM, le Ltn LOGIER reste adjoint.

La progression reprend vers le 15 janvier , l’objectif lointain du bataillon étant CHOBO-HOABINB au débouché du delta du Fleuve Rouge, l’ennemi nous attend et nous nous heurtons à des résistances à hauteur de NASAN. Le Slt FRANÇOIS est tué en donnant l’assaut, la compagnie manœuvre et réussie à refouler l’ennemi qui se replie vers le sud.

La poursuite est lancée et nous reprenons le contact à BAN CHENDONG où de nouvelles résistances sont neutralisées après l’assaut des 2″ et 5° Sections. Les VM ont des pertes sérieuses mais se retranchent à TOYEN CHAU que la compagnie enlève le 7 février.

Les opérations marquent une pause et la 3° compagnie établit un poste à BAN THINH. Rapidement, sont bâties : défenses (murets et herses de bambou), cases en bambou pour chaque groupe, stade, le tout en style BIGEARD : efficacité et maximum de confort. Des postes gardent les pitons rocheux dominant le poste. Le moral est au plus haut et BIGEARD toujours égal à lui-même. Dans cette ambiance, la compagnie reprend des forces et peut effectuer de nombreuses sorties et patrouilles, embuscades et reconnaissances lointaines vers TAKOA, sur la RIVIRE NOIRE ou vers MO CHAU (RP41).

Le 15 mars 1947, un bataillon VM attaquait en force. Dans la nuit, il tentait de prendre le piton tenu par 1° section et dominant le camp de BAN THINA. La section a résisté toute la nuit et l’ennemi ne peut développer son action. Après plusieurs heures d’attaque, il dut se replier avec des pertes importantes, poursuivi par un groupe de 2 sections sous les ordres du Ltn LOGIER.

Le 3 mai, la 3″ Cie reprenait sa marche vers l’Est et son objectif était VAN YEN en pays MUONG. Elle franchissait la RIVIERE NOIRE par surprise avec l’aide des piroguiers Thaïs malgré une résistance VM , et des contre-attaques ; VAN YEN était prise le 6 mai. La Compagnie y pris ses quartiers, et repris ses activités normales de contrôle du sous quartier avec des reconnaissances profondes vers THU CUC, la RIVIRE NOIRE, MOC CHAU.

En septembre 1947, le Capitaine BIGEARD quittait te commandement de la 3° Cie, remplacé par le Ltn LOGIER. Une magnifique citation à l’ordre du Corps d’Armée , rare à l’époque pour des unités isolées, vient récompenser et reconnaître les grands mérites d’une compagnie opérant en Haute Région avec des moyens limités, sans appui d’artillerie ou d’aviation.

Le capitaine BIGEARD a gardé un souvenir inoubliable de cette campagne en PAYS THAÏ où il a pu exercer son commandement en pleine force physique et morale, faisant preuve d’initiatives et d’une activité inlassable.

Elle lui a fait prendre conscience de sa valeur de chef aimé et respecté par tous ses subordonnés. Il a montré sa préférence pour une action loin de toute autorité trop pesante.

Sa connaissance de la Haute Région et du pays THAÏ, en particulier lui ont permis de sortir son futur 6° BCCP du piège de NOHIALO TULE

Le Colonel H DUTEIL

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