5 – Le malaise des armées

Le récent manifeste des « Sentinelles de l’agora » présenté par le Général J.C. Thomann souligne les conséquences graves des décisions qui viennent d’être prises dans le domaine de la défense.

Parallèlement, le moral des armées connaît une baisse d’une ampleur peu commune.

La conjonction de ces deux évènements révèle l’existence d’un malaise profond au sein des armées qui se fonde sur :

  1. une succession de restrictions budgétaires à courte vue, compatibles avec les besoins des engagements du moment, mais dont les conséquences sur les autres exigences de notre défense à court, moyen et long termes ne sont pas apparemment prises en considération ;
  2. des mesures d’organisation portant atteinte à la structure hiérarchique et à l’unité de commandement inhérentes à la fonction militaire et qui conduisent à une dilution des responsabilités illustrée par la scandaleuse affaire Louvois et susceptible d’avoir un jour des retombées catastrophiques dans le domaine opérationnel ;
  3. la civilianisation de postes importants du ministère, conduisant à exclure les militaires de la préparation de l’avenir de la défense, laquelle ne peut se concevoir sans la contribution de ceux qui ont la connaissance et l’expérience de la spécificité de l’action militaire.
  4. Cette situation inquiétante, qui paraît sous estimée par les adeptes du « politiquement correct », incite à en rechercher les causes, les causes immédiates qu’on ne peut négliger, mais aussi les causes profondes dont les deux principales sont :
  5. le flou qui entoure les finalités de défense, notamment depuis la réorganisation de 1996 qui a amorcé la focalisation quasi exclusive des efforts de défense sur les Opex du court terme, en restant très évasive sur les autres exigences actuelles et futures de notre défense ;
  6. le manque de corrélation explicite entre les risques et menaces envisageables et les moyens leur correspondant, défaut majeur des deux derniers Livres blancs, qui n’ont pas cherché à établir une telle corrélation par le biais de scénarios représentatifs des situations que notre pays est susceptible de connaître. A titre d’exemple, le dernier Livre blanc considère la menace terroriste comme « majeure et persistante », mais néglige de définir les organisations et de préciser les moyens nécessaires pour y faire face avec l’efficacité voulue.

Devant la dégradation manifeste de la politique de défense et l’absence de réactions des responsables politiques, l’institution militaire, dans sa vocation au service de la Nation, ne peut rester passive.

Elle ne peut s’enfermer dans un mutisme résigné, elle ne peut non plus se limiter à des manifestations d’indignation ou de colère, rapidement contre productives.

Elle doit engager avec les responsables politiques un dialogue ouvert, libéré de la paralysie du « politiquement correct » et présentant des analyses et propositions constructives et argumentées, permettant de remédier aux lacunes actuelles.