L’épopée du Corps Expéditionnaire Français en Italie

1943-1944

par le commissaire colonel (e.r) René Lieber[*],
officier de la Légion d’honneur.

Le souvenir de mes premiers pas dans la carrière des armes s’estompait lentement dans les profondeurs de l’oubli, lorsque, à la sortie du film « Indigènes », j’ai ressenti l’impérieuse nécessité de délivrer, avant qu’il ne soit trop tard, le témoignage de ce que j’ai vécu intensément il y a plus de 60 ans.

Pendant trois années j’ai partagé, sans interruption, comme sous-lieutenant et lieutenant, chef de section de fusiliers voltigeurs ou de mitrailleuses, la dure vie des tirailleurs marocains à l’avant-garde du Corps Expéditionnaire Français en Italie, puis de la Première Armée Française. J’ai connu cette extraordinaire fraternité d’armes qui unissait les Français de souche et les « indigènes » et sans laquelle il eût été illusoire d’espérer affronter victorieusement la redoutable infanterie allemande.

En 1958 puis en 1962, lors des différentes accessions à l’indépendance, le gouvernement de la France a décidé de « cristalliser » les pensions militaires auxquelles pouvaient prétendre ses anciens serviteurs. Cette injustice flagrante s’est perpétuée malgré les nombreuses interventions de parlementaires et d’associations d’anciens combattants. Par contre, il a suffi que le film « Indigènes » soit projeté devant la plus haute autorité de l’État pour que la situation se dégèle en partie, la rétroactivité n’étant pas appliquée aux nouvelles mesures annoncées.

Il apparaît donc que les réalisateurs du film ont bien eu raison de médiatiser ainsi la juste cause des « indigènes » ayant combattu sous les plis de notre drapeau.

Par contre, nous, les anciens des régiments de tirailleurs encore en vie, cadres ou non cadres européens, nous leur reprochons amèrement d’avoir occulté l’existence et le rôle de tous ces non indigènes présents à l’époque en A.F.N.: ceux des F.F.L., les Pieds-Noirs mobilisés, les évadés de France, tous ceux qui ont fourni les spécialistes et les cadres sans lesquels n’auraient pu être mises sur pied les grandes unités qui ont combattu en Italie puis en France.

En outre, le comportement des cadres vis-à-vis des Tirailleurs est trop souvent stigmatisé Le film largement diffusé donne ainsi aux jeunes générations une image déformée de l’armée victorieuse en Italie puis en France et en Allemagne, contraire à la vérité historique. C’est cette vérité sur des événements méconnus par les Français de métropole que je me propose de vous faire découvrir. M’élevant largement au-dessus de l’échelon de la section de tirailleurs, j’espère vous démontrer que l’action du C.E.F mérite bien le qualificatif d »‘épopée ».

En 1942, alors que les armées allemandes victorieuses occupent la presque totalité du continent européen, des rivages de l’atlantique aux abords de Leningrad, Moscou, aux rives de la Volga et aux sommets du Caucase, les Anglo-américains, pour soulager les Soviétiques, décident d’ouvrir un second front à l’ouest en s’attaquant dans un premier temps à l’Italie considérée par Churchill comme le ventre mou de l’Europe, tout en prenant à revers les forces germano-italiennes qui sous le commandement du général Rommel menaçait à El-Alamein, le delta du Nil et Suez.

Auparavant pour se ménager une base de départ à bonne portée de leur objectif, ils mettent la main sur l’Afrique du Nord française en débarquant le 8 novembre au Maroc et en Algérie. Mais ils commettent l’erreur stratégique de ne pas se saisir en même temps de la Tunisie. Les Allemands réagissent aussitôt en envahissant la zone libre en métropole et en s’installant solidement en Tunisie. Il s’ensuit une dure campagne d’hiver à laquelle participent, aux côtés des Alliés, les forces françaises d’Afrique du Nord et qui se termine le 12 mai 1943 par la capitulation à Tunis des forces de l’Axe. Pendant ce temps à la suite d’accords passés entre les autorités françaises et les Américains, il est procédé à la mise sur pied progressive au Maroc et en Algérie de plusieurs divisions équipées de matériels américains.

Invasion de l’Italie du Sud par les Anglo-américains – Débarquement de Salerne

Le 10 juillet 1943, les Alliés déclenchent leur offensive sur l’Italie en débarquant en Sicile. Des tractations secrètes ont lieu entre les Alliés et des Italiens démoralisés par l’accumulation des défaites et hostiles à Mussolini. Le 25 juillet Mussolini est destitué et remplacé par le Maréchal Badoglio. Le 3 septembre, la Sicile étant conquise, les Anglo-américains franchissent le détroit de Messine. Le 7 septembre, l’Italie capitule. Le 8 septembre les Américains débarquent à Salerne près de Naples. Ce débarquement qui n’a pas surpris les Allemands, a évité de peu le désastre en raison de la violence de la réaction allemande. Finalement, les Allemands, sous les ordres de Kesselring, se replient méthodiquement sur une ligne de défense au nord de Naples utilisant des points forts du terrain jalonnés par les montagnes des Abruzzes et les fleuves Garigliano, Rapido et Sangro, obstacles naturels entre la mer Tyrrhénienne et l’Adriatique, valorisés par des travaux poussés d’organisation du terrain.

LB : ligne Bernardt – LG : ligne Gustav

En un mois les Alliés ont conquis l’Italie du Sud mais ils se heurtent à 120 km au sud de Rome à une vive résistance allemande sur la ligne Gustav ayant pour môle de résistance le site de Cassino, barrant la seule voie d’accès vers Rome susceptible d’être empruntée par des unités blindées.

Du côté allié, le front est tenu à gauche par la 5éme  armée américaine commandée par le général Clark et à droite par la 8ème armée britannique commandée par le général Montgomery.

Intervention du CEF

Fin novembre 1943, la 2ème Division d’Infanterie Marocaine (2ème DIM) mise sur pied et entraînée au Maroc débarque dans la région de Naples. Elle est l’avant-garde du Corps Expéditionnaire Français en Italie (CEF) sous les ordres du général Juin. Elle doit être incorporée dans la 5ème armée US. Les Américains n’ont qu’une confiance limitée dans la valeur des unités françaises et n’envisagent pas de leur confier un secteur propre sur le front. Le général Juin au contraire, pour une question de prestige souhaite vivement disposer d’un créneau où les forces françaises agiraient groupées sous leur pavillon national. Il compte bien sur la valeur de ses troupes pour faire revenir le général Clark sur sa défiance, pour lui, injustifiée.

Pendant le rude hiver 43-44, des combats extrêmement durs vont se dérouler avec pour objectif la rupture des positions de résistance successives allemandes constituées par les lignes Bernard, Gustav et Hitler autour du môle de Cassino, verrou de la route de Rome-La 2ème D.l.M dont le secteur se situe à l’aile droite de la 5ème armée en liaison avec la 8ème armée britannique, relève les 8, 9 et 10 décembre la 34ème D.l. US dont les fantassins sont exténués par les durs combats qu’ils n’ont cessé de livrer depuis le débarquement de Salerne et dont tous les assauts échouent devant la ligne Gustav.

Mon régiment, le 5ème RTM, a devant lui le Pantano dont les pentes sont restées aux mains des Allemands.

D’emblée, nous nous trouvons plongés dans le monde chaotique et sauvage des Abruzzes. Tout y est creux et bosses : un amoncellement de pitons et de cuvettes, de ravins aux allures tourmentées qui semblent issus d’un prodigieux brassage.

À partir du 14 décembre, la 2ème DIM avec ses 3 régiments de tirailleurs marocains : 46ème ,5ème et 8ème RTM et les cavaliers du 3ème régiment de spahis marocains combattant à pied dans ces pays impraticables aux chars, va mener une série d’attaques mêlées de contre-attaques ennemies sur le Pantano pour le 5ème RTM, le Mainarde pour le 8ème RTM, le Mona Casale pour le 4ème RTM. À ces assauts participent des Tabors marocains. Le 27 décembre, les éléments sont déchaînés et une tempête de neige s’installe sur les Abruzzes, les opérations offensives sont suspendues.

Les Abruzzes : le Pantano

En définitive, en 13 jours de combats acharnés, fin décembre à plus de 1 000 m d’altitude, l’ennemi a été enfoncé sur 7 km de profondeur. Il a perdu devant la 2ème DIM une partie des crêtes qui couvrent la vallée du Rapido, parcourue par la ligne Gustav.

Les succès obtenus par la division, au prix hélas de pertes sévères – à mon seul régiment : 15 officiers, 46 sous-officiers et 235 tirailleurs mis hors de combat – impressionnent fortement le général Clark qui donne satisfaction au général Juin et le CEF renforcé par l’arrivée de la 3ème Division d’Infanterie Algérienne devient un corps d’Armée à part entière de la 5ème Armée U.S.

Manœuvre alliée prévue

Au début de l’année 1944, la manœuvre prévue est la suivante :

  • Axe d’effort principal: Cassino et vallée du Liri avec Rome pour objectif.
  • Effort secondaire: débordement de Cassino par le Nord, dans le secteur du CEF.
  • Débarquement sur les arrières ennemis à Anzio ayant pour but d’y attirer les réserves ennemies et de dégarnir le front dans le secteur de Cassino.

L’offensive générale est prévue pour le 20 janvier. Auparavant elle doit être précédée par une série d’opérations en vue de s’emparer des résistances allemandes implantées en avant de la ligne Gustav et couvrant Cassino.

Au cours de ces actions préliminaires, la 3ème DIA, dont la plupart des unités se sont distinguées pendant la campagne de Tunisie, parvient à conquérir une série de pitons d’une altitude moyenne de 1 200 m qui interdisait l’accès à la vallée du Rapido.

Dans la nuit du 20 au 21 janvier 1944, les Américains débarquent à Anzio. Contrairement à ce qui s’était passé à Salerne, la surprise est totale du côté allemand. À la fin de la 1ère matinée les objectifs fixés pour la 1ère journée sont atteints ou dépassés. Les pertes sont insignifiantes. Mais le général Lucas commandant l’opération, au lieu de découpler ses blindés en direction des lignes de communications de l’ennemi ravitaillant Cassino et qui passait à moins de 40 km d’Anzio, s’applique à respecter le planning prévu et commence à organiser méthodiquement la tête de pont. Les Allemands ne perdent pas de temps pour réagir en rameutant des divisions depuis l’Italie du Nord et le Sud de la France. Ils parviennent à endiguer les forces débarquées. Toutefois, malgré de nombreuses contre-attaques donnant lieu à de furieux combats et malgré les ordres réitérés d’Hitler, ils ne parviendront pas à réduire « la verrue d’Anzio » où vont demeurer comme prisonnières 7 divisions Alliées. L’opération d’Anzio se solde par un échec sur le plan stratégique.

Pendant ce temps-là, sur le front de la 5ème Armée, l’action frontale sur Cassino échoue.

Plus au nord dans le secteur du CEF, la 3ème DIA parvient à conquérir dans la région du Belvédère, les objectifs qui lui étaient assignés. Pendant une dizaine de jours de combats légendaires au cours desquels les pitons du massif du Belvédère changent plusieurs fois de mains la 3ème DIA a fixé sur une largeur de 8 km, 17 des 44 bataillons d’infanterie ennemie opposés à la 5ème Armée sur 70 km de front. Elle a capturé 1 200 prisonniers. Surtout, seule formation de la 5ème Armée, elle a réussi à percer la ligne Gustav. Mais son succès ne pourra être exploité par manque de réserves susceptibles d’être affectées à cette action jugée secondaire, le général Clark restant fasciné par Cassino.

Le Belvédère

Du début février au 15 mars 1944, six séries d’attaques frontales vont être lancées sans succès contre Cassino. Deux d’entre elles sont précédées par des bombardements aériens terrifiants qui détruisent, entre autre, le monastère Bénédictin du mont Cassin qui domine Cassino.

Devant ces échecs répétés, à la mi-mars un calme relatif s’installe sur le front qui est profondément remanié: la 8ème Armée s’étend sur sa gauche jusqu’à Cassino inclus, la 5ème Armée, outre la poche d’Anzio, allant de Cassino exclus à la mer Tyrrhénienne.

Le CEF dont les effectifs sont portés à environ 100 000 hommes par ‘arrivée en Italie de 2 nouvelles divisions : la 1ère DMI et la 4ème DMI se voient attribuer un secteur occupant une tête de pont conquise au-delà du Garigliano par les Britanniques, en novembre 1943, et qu’ils n’avaient jamais réussi à agrandir.

La manœuvre du général Juin

Le général Juin à la tête du CEF qui est le corps d’armée le plus fort de la 5ème Armée, hors le corps d’armée encerclée à Anzio, élabore la manœuvre audacieuse ci-après qui renonce à passer en force à Cassino.

  • Dans un premier temps, rompre la ligne Gustav par un assaut des 4 divisions du CEF, à partir de la tête de pont du Garigliano, au travers du massif chaotique du Majo d’une altitude supérieure à 700 m.
  • Dans un deuxième temps, lancer un corps de montagne fort de 12 000 hommes appuyés par des colonnes de 4 000 mulets de bât, tous terrains, au travers de la chaîne de monts d’une altitude moyenne de 1 000 m qui, en direction de Rome, s’étend entre la vallée du Liri au nord et la plaine côtière au sud.

Le corps de montagne aurait pour mission de déborder largement, par des hauts jugés impraticables pour des unités normales, les résistances ennemies installées obligatoirement dans les vallées, de les attaquer à revers et de faciliter ainsi la progression du gros des forces tributaires des itinéraires en vallées.

Cette manœuvre que le généra! Juin estime à la portée de son infanterie rustique reçoit l’approbation du général Clark malgré les grands risques qu’elle comporte.

L’offensive générale du 11 mai 1944

La date de l’offensive générale Alliée est fixée au 11 mai à 23 heures.

Ordre du jour du général Juin en date du 11 mai 1944 :

« Combattants français de l’armée d’Italie, une grande bataille dont le sort peut hâter la victoire définitive et la libération de notre patrie s’engage aujourd’hui. La lutte sera générale, implacable et poursuivie avec la dernière énergie. Appelés à l’honneur d’y porter nos couleurs, vous vaincrez comme vous avez déjà vaincu, en pensant à la France martyre qui vous attend et vous regarde. En avant ».

En ce début de nuit du 11 mai 44 tout est calme sur les pentes de l’Ornito. Des myriades de lucioles sillonnent le ciel de leurs lumières clignotantes comme autant de balles traçantes silencieuses: serait-ce un funeste présage ?

Il y a exactement 4 ans, à La Flèche, en sortant de la salle d’examen où venait de se dérouler l’épreuve du concours d’admission à Saint-Cyr, j’apprenais le déclenchement de l’offensive allemande en Belgique et dans les Ardennes. Triste anniversaire ! Depuis ce jour, que de chemin parcouru, semé de désespoirs, de souffrances et de deuils ! Mais cette nuit, là, derrière ces crêtes, l’heure de la revanche va sonner…

Au CEF, l’assaut est donné par les tirailleurs au moment même où sur tout le front se déclenchent les tirs de 2 000 canons de tous calibres. Après de durs combats au corps à corps à l’aube du 12 mai il apparaît que, pour l’ensemble du front, le seul gain appréciable est constitué par un doigt de gant profond de 1 500 m conquis par la 8ème RTM dans le secteur de la 2ème DIM.

L’attaque du 11 mai 1944

Devant la gravité de la situation et le risque de voir échouer sa manœuvre, le général Juin dans l’après-midi du 12 mai, se rend en personne en premières lignes sous le tir des mortiers ennemis, pour étudier sur place la situation et s’entretenir avec les commandants d’unités réconfortés par la présence parmi eux d’un général à cinq étoiles. Pour ne pas laisser à l’ennemi le temps de se ressaisir, il décide de faire reprendre l’offensive dès la nuit suivante par les mêmes unités en faisant intervenir leurs échelons en réserve sans procéder à des relèves. Mais cette fois, la surprise ne pouvant plus jouer, chaque assaut des fantassins sera précédé par une violente préparation d’artillerie. L’offensive repart à 3 h30 le 13 mai. Malgré plusieurs contre-attaques allemandes, elle progresse favorablement, chaque bond en avant étant appuyé par des feux d’artillerie d’une rare violence. Vers 13 heures, le service d’écoute radio du CEF capte un message radio ennemi transmis en clair et prescrivant le repli général. Les différentes unités progressent rapidement sur leurs axes d’attaque et en fin d’après-midi un immense drapeau français est hissé au sommet du mont Majo, clef de voûte du système défensif allemand dans ce secteur. Comme prévu le corps de montagne entre en action. Il pénètre les massifs montagneux par des sentiers de chèvres et progresse de trente kilomètres à vol d’oiseau en trois jours et certainement plus du double sur les dents de scie du relief, il remplit parfaitement sa mission. À la 5ème Armée l’avance est générale avec des temps d’arrêt plus ou moins longs nécessités par la réduction des centres de résistance établis par les Allemands aux points forts du terrain.

Dans la poche d’Anzio l’attaque démarre le 23 mai et la jonction est faite avec le corps de montagne 6 jours plus tard. À droite de la 5ème Armée la 8ème Armée progresse en retrait dans la vallée du Liri. À Cassino débordé, l’ennemi résiste toujours et les paras allemands n’abandonnent « leur Cassino » que le 18 mai sur l’ordre formel du général Kesserling après une résistance héroïque de six mois.

Le 4 juin, les premiers chars Alliés franchissent les ponts intacts sur le Tibre dans Rome déclarée ville ouverte. Le 5 juin, le général Juin entre à Rome. Le lendemain 6 juin c’est le débarquement de Normandie.

Attaque du 11 mai 1944 – l’exploitation vers Rome

Moments inoubliables du défilé dans Rome entre le Colisée et la place de Venise, récompense suprême de tant de souffrances et de sacrifices mais aussi satisfaction d’avoir bien contribué à la conquête intacte de la Ville Éternelle.

Au pied du Colisée, le drapeau du 8ème RTM le régiment de la Mainarde, de la Costa San Pietro, du Faito (CP. 02734)
Le général Juin, après avoir joué un rôle prépondérant dans les opérations de Tunisie, commanda le corps expéditionnaire français en Italie de décembre 1943 à juillet 1944 (CP. 02734)

À partir de Rome commence une phase de poursuite vers Florence. Les Allemands qui ont réussi à éviter la déroute organisent systématiquement leur retraite en s’appuyant sur les points forts du terrain organisés défensivement par le génie allemand renforcé par des travailleurs italiens réquisitionnés. Il s’ensuit une succession de combats retardateurs ponctués de violentes contre-attaques sources de nouvelles pertes. Le 3 juillet, la 3ème DIA s’empare de Sienne. Le CEF devant participer au débarquement de Provence, ses divisions sont progressivement retirées du front d’Italie, la dernière en ligne étant la 4ème DMM au contact de l’ennemi à 30 km de Florence. Tout le CEF est regroupé dans la région de Naples pour le recomplètement des unités avant son départ pour la France.

Au milieu de la guerre mécanique méthodique, abusant des concentrations d’explosifs et de matériels, vient de s’insérer, avec la victoire du Garigliano, un chapitre de la guerre pédestre qui, paradoxalement, a fait retrouver la mobilité. La ligne Gustav avait résisté 4 mois à des affrontements frontaux, à une immense dépense de matériels et à un gâchis de vies humaines, elle est tombée en 4 jours devant un raid audacieux. Succès dû à la bravoure et à l’instruction d’une infanterie ardente dont le moral n’avait pas été entamé par les sanglants sacrifices des premiers assauts et sachant exploiter avec rapidité et souplesse les effets destructeurs des feux de l’artillerie de protection et d’appui. Je tiens à rendre un hommage particulier à la mémoire du Maréchal Alphonse Juin, stratège et tacticien prestigieux, accueilli un jour par le général Clark avec ces mots: « Je salue en vous le meilleur général de l’Europe ».

Je pense enfin à tous ceux qui sont tombés dans les Abruzzes, dans l’enfer des batailles pour Cassino, dans les vergers en fleurs de Toscane, et plus tard dans la neige d’Alsace et des Vosges. Ils savaient qu’ils se battaient pour une cause juste. Leur sacrifice, cette fois-là, n’aura pas été vain. Ils ont droit à toute notre gratitude, eux dont les tombes portent cette simple inscription délavée par le temps : « MORT POUR LA FRANCE ».


[*] Sous-lieutenant, chef de section au 5ème RTM en Italie, 2 croix de guerre, 6 citations