La proposition de loi du 11 mars 2025 sur le statut de « Vétéran »
Un parti politique a présenté une proposition de loi en vue de faire reconnaître le statut de « vétéran des armées ». Ce statut pourrait concerner tous les anciens militaires pouvant justifier d’au moins quinze années de service, combattants ou non, blessés ou non. Il s’agit d’une proposition qui trouve son inspiration dans une mesure qui a été soumise au Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM) en 2018, mais qui ne fut pas adoptée.
Les mesures proposées sont les suivantes :
- Les vétérans des armées obtiennent la propriété de leur grade avec la mention « En retraite » ou « Honoraire ».
- Ils sont autorisés à porter l’uniforme pour tout événement concernant les armées.
- Les vétérans des armées bénéficient de l’accès aux hôpitaux des armées.
- Les vétérans des armées peuvent demander à l’administration à être couverts par le régime de sécurité sociale des militaires.
- Les vétérans des armées bénéficient d’un accès libre aux musées des armées sur présentation de leur carte. Ils ont également accès aux cercles des armées.
Ce projet ainsi formulé, et avant même qu’il soit débattu, suscite déjà de vives polémiques. S’il recueille une réelle adhésion dans la mesure où il vise à valoriser les anciens militaires, c’est la désignation des bénéficiaires qui irrite quelque peu. Et ce ne sont pas tant les avantages afférents à ce statut qui posent problème, mais bien la nature des personnes pouvant prétendre à la dénomination de « vétéran ».
Culturellement, ou par tradition, le mot évoque spontanément un ancien combattant, car être un combattant reste pour les citoyens la raison d’être de l’état militaire. Les cérémonies au cours desquelles nos vétérans sont à l’honneur sont d’anciens combattants arborant des décorations qui ne laissent aucun doute quant à leur passé glorieux.
La polémique procède de cette légitime confusion.
La vocation du militaire est de servir au bénéfice de la paix. S’engager au sein des forces armées n’implique donc pas systématiquement de devenir un guerrier. Beaucoup de soldats s’y sont préparés mais ne sont jamais allés au feu. Il n’y a pas d’anciens combattants de la guerre froide, cette longue guerre sans hauts faits d’armes, sans médaille commémorative, sans gloire aucune, et qui peinera toujours à se faire une place dans l’histoire. Mais la guerre froide compte pourtant des milliers de vétérans qui ont embrassé la carrière militaire, ont sacrifié leur jeunesse et souvent leur famille pour dissuader un ennemi puissant de nous attaquer en multipliant les manœuvres et les exercices, sachant que cet ennemi nous espionnait pour évaluer nos forces et notre aptitude à faire la guerre. Les « longues capotes » de cette époque ont été des soldats à part entière. Ils peuvent légitimement prétendre à être considérés comme vétérans.
Il n’y a pas non plus que des guerriers qui sont partis en OPEX. Beaucoup de logisticiens ou de techniciens n’ont jamais été exposés au feu, mais leur rôle n’en a pas moins été primordial dans le succès de la mission. Distinguer des « pratiquants » et des « non pratiquants » à l’armée est une faute déontologique. Il n’y a que des femmes et des hommes qui mettent leurs aptitudes et leurs talents pour concourir aux succès de nos armes.
La notion de « vétéran » ne peut donc être associée à celle de « combattant » qu’à la condition de reconsidérer cette dernière. Du reste, les anciens combattants sont déjà reconnus, et leur statut est écrit. Quant aux blessés, ils ne sont pas oubliés ou livrés à eux-mêmes. C’est donc sereinement que l’on peut se pencher sur cette proposition.
Colonel (r) Thouvenin